Dans quelle mesure sommes-nous responsables des action de notre pays ? | Fribourg #30
- Mikael Dürrmeier
- 9 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 mars
Impossible de ne pas sentir le poids de l’actualité dans la question retenue pour ce café-philo. A ce jour, l’urgence climatique et les problématiques sociales sont insuffisamment considérées par les puissances économiques et politiques de ce monde. Et ce d’autant plus que les tensions géopolitiques s’exacerbent. Il y a de quoi s’inquiéter. Et de quoi se demander quel rôle nous avons à jouer dans cet engrenage complexe qui a tout pour nous dépasser.
Dans quelle mesure devons-nous nous sentir responsables des (in)actions de notre pays ? Avant d’y répondre, il faut se rendre compte d’un aspect que la question présuppose : c’est l’association de l’individu à l’état. Et c’est l’occasion de poser une pensée qui sous-tendra toutes les propositions de notre raisonnement : nous formons collectivement une composante essentielle d’une nation mais chacun·e ne représente souvent presque rien à l’échelle de celle-ci, noyé·e dans la masse.
Entre l’apparente insignifiance des actions de contestation ou de résistance à l’échelle individuelle, la distance entre des décisions politiques et nos vies personnelles, et la complexité des systèmes sociaux et politiques dans lesquels nous nous trouvons constamment, il est tentant se dire que certaines choses ne nous regardent pas, que nous n’avons à en porter le poids. C’est peut-être légitime. Mais avant tout affaire de circonstances, qu’il nous faut éclairer maintenant.
Au fil d’une discussion aussi riche qu’animée, plusieurs critères ont été formulés pour articuler les mesures dans lesquelles une personne devrait se sentir responsable des actes – bons ou mauvais – du pays auquel elle appartient. Car il serait erroné d’articuler la responsabilité de manière binaire, polarisée. Au contraire, il est plus juste de la penser de manière continue, en termes de degrés.
La responsabilité d’une personne par rapport aux actions de son pays s’évalue à l’aune de ses degrés d’implication. La chose varie tout d’abord évidemment si cette personne se trouve à la tête du gouvernement en place, ou principalement soumise à celui-ci. A ce degré d’implication individuelle se conjugue celui de l’implication de l’état dans ses actes. Car si tous les états-nations sont souverains en principe, ils restent bien souvent soumis aux dictas des forces dominantes.
Comme pour l’état, l’implication individuelle est ensuite plus ou moins volontaire. Les citoyen·ne·s d’une démocratie sont en général plus responsables des actes de leur état que celleux d’une dictature. De même, on considérera comme moins responsables les citoyen·ne·s d’une démocratie qui ont voté contre le gouvernement élu et ses décisions prises. Iels seront peut-être plus responsables d’un manque de dialogue avec leurs opposant·es majoritaires, cela dit.
Au-delà de la volonté et liberté d’une personne, nombre d’autres facteurs doivent être pris en compte : ses privilèges matériels et sociaux (d’où l’importance de la justice sociale), son niveau d’éducation et de conscience (d’où l’importance de la sensibilisation), ses moyens d’actions et leurs conséquences sur le plan légal et personnel (d’où l’importance des droits et des protections sociales), son degré d’appartenance à la nation (d’où l’importance de la collectivité), etc.
De la participation aux conditions individuelles, ces premiers paramètres nous invitent à deux considérations. D’une part, la responsabilité dont il est question est une notion toujours plus diffuse et perturbée dans notre monde de plus en plus mondialisé et déraciné, inégalitaire et précaire, hyper-connecté et pétri par des canaux de communication de plus en plus polarisés et saturés. D’autre part pourtant, nous remplissons toutes et tous chaque critère, plus ou moins mais toujours un peu, que nous le voulions ou non.
Il est difficile de progresser humainement (et philosophiquement) sans réaliser que nous sommes situé·es et pris·es dans une immense chaîne de dépendance et de causalités qui nous dépasse(ra) toujours. Mais si notre responsabilité est plus ou moins infinie alors que nos moyens de répondre de notre situation le sont, il n’empêche que chaque geste, partout et tout le temps, compte. Et que ce qui compte, une fois de plus, c’est de faire de son mieux.
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